
C’est une bonne vieille tradition new-yorkaise : durant la période de Noël, le grand magasin Macy’s illumine la 34th rue avec ses vitrines scintillantes et accueille le père Noël lui-même dans son village, Santaland, situé au 8ème étage.
Noël étant ici une chose prise avec beaucoup de sérieux, Santaland signifie beaucoup de m² de guirlandes, paquets, traîneaux, sapins, neige, elfes et rennes en tous genre… Et une file d’attente monstrueuse de gamins, impatients de s’asseoir sur les genoux de leur idole ! J’accompagne le fils d’une de mes amies. Il a cinq ans et, pour l’instant, semble plutôt bien tenir le choc de l’attente.
Très loin devant nous, Santa trône au milieu de ses elfes. Il a bien la tête de l’emploi : costume rouge, grosse bedaine et barbe blanche. Les elfes, des jeunes filles, habillées en vert, gèrent en souriant l’interminable procession.
Dans la file, certains petits, au comble de l’excitation, se tordent le cou pour apercevoir leur star et évaluer la distance les séparant encore de lui. D’autres, plus calmes, serrent entre leurs mains leur liste soigneusement rédigée. Le village du père Noël résonne d’un brouhaha somme toute plutôt sympathique, parce que… et bien, c’est Noël et les enfants sont contents ! Que demander de plus ?
Un silence de mort s’est installé
Soudain, un drame éclate : » Je ne veux pas y aller ! » Un petit garçon d’environ 3 ans vient de changer d’avis. Après plus d’une heure d’attente, c’est finalement son tour, mais à le voir de plus près, il vient de décider que Santa lui faisait peur et refuse de s’asseoir sur ses genoux.
Terrorisé, il s’agrippe à sa mère en déversant toutes les larmes de son corps. Tout Macy’s résonne de ses hurlements désespérés. On doit les entendre jusqu’au rez-de-chaussée…
Sa maman essaie de le raisonner. Elle vient de faire une queue interminable pour avoir le plaisir de ramener chez elle une photo de son petit garçon sur les genoux de Santa. Pas question de renoncer ! Elle y va en douceur et essaie de transporter son gamin jusqu’au père Noël, lequel, habitué peut-être à ce genre de manifestations, joue la carte de la bonhomie. Rien à faire ! Plus la mère insiste, plus le petit se rebelle, pleure, se débat, hurle et balance des coups de pieds qui menacent d’atteindre ce pauvre Santa au visage.
Les elfes déploient des trésors de gentillesse et de diplomatie pour le calmer. Il y a urgence : la terreur du gamin menace de contaminer tous les enfants. Dans la file d’attente, un silence de mort s’est installé. Impressionnés par l’intensité des cris du petit garçon et sa farouche volonté, la plupart des gamins n’en mènent pas large. Certains commencent eux aussi à changer d’avis. D’une voix tremblante, une petite fille, juste devant nous, annonce à sa mère qu’elle non plus ne veut plus y aller. Les yeux exorbités, elle fixe l’enfant qui s’accroche en hurlant à la jambe de sa mère. Plutôt réactive (ou peut-être soulagée, qui sait ?…) la maman prend sa fille dans ses bras et s’extirpe de la file d’attente avant une explosion de larmes imminente.
Panique au 8ème étage
JE NE VEUX PAS Y ALLER ! Le petit garçon se traîne par terre, cramponné de toute des forces, tel un naufragé, à la jambe de sa mère. Laquelle est à la fois embarrassée et excédée. Elle insiste encore : ils sont venus jusqu’ici pour voir le père Noël, le père Noël est là, il est très gentil, blablabla… JE NE VEUX PAS Y ALLER ! est la seule réponse qu’elle récolte.
Finalement, une des elfes, sentant la panique se propager à tout le 8ème étage, intervient gentiment, mais fermement. Elle signale à la mère que son enfant exprimant clairement (et fortement !) ce qu’il voulait, il serait peut-être judicieux de l’écouter. A bout de forces, la mère finit par abdiquer. Elle ramasse (littéralement !) son fils et, tout en tentant de garder la tête haute, remonte la file d’attente en direction des ascenseurs sous les regards incrédules d’une bonne centaine d’enfants et de leurs parents.
Je me penche alors vers mon petit compagnon, inquiète de sa réaction. Et s’il avait une attaque de panique lui aussi ?…. Sa réaction est sans appel : » Chochotte ! » Très bien ! Santa, tu peux réajuster ton bonnet et tes lunettes. Philip a 5 ans, il n’a peur de rien, sa liste de cadeaux a la taille d’un catalogue et il arrive !