
Pour répondre à toutes les questions qu’on pourrait éventuellement se poser : oui, le froid et la neige, c’est l’enfer ! L’hiver, en général, c’est l’enfer ! La neige, c’est beau 5 minutes. Après… On glisse sur le trottoir en allant à l’épicerie de Bleeker Street, on tombe devant tout le monde. C’est douloureux, humiliant et froid !
Et pourtant, il faut bien sortir de temps en temps. Ne serait-ce que pour aller chercher à manger (avec les températures qu’il a fait, j’ai eu des scrupules à faire venir le livreur de pizza…). A un moment, il faut bien renouer avec la vraie vie et… voir des gens !
Alors, prenant mon courage à deux mains, m’équipant comme pour une expédition polaire, je suis sortie pour me rendre au New Museum, le musée d’art contemporain du Lower East Side, que je n’avais encore jamais visité.
Deux buts à cette visite : tout d’abord, les musées d’art contemporain sont des cavernes d’Ali Baba. On ne sait jamais sur quoi on va tomber. Selon toute probabilité, on ne comprendra pas la moitié des pièces exposées. Mais c’est le but je crois : permettre aux visiteurs d’être perplexes, ce qui n’arrive plus si souvent dans cette existence. D’autre part, soyons pratiques : le musée est à deux pas, au 235 Bowery, et, j’en suis certaine, parfaitement chauffé.
Dessins, peintures, photos…
Dès sa façade faite de cubes empilés de manière (apparemment) instable, le New Museum tient toutes ses promesses. On dirait que certains éléments vont se casser la figure. Bien sûr, ils ne vont pas tomber (enfin… je l’espère), mais c’est subtilement inquiétant. Assez pour presser le pas et se mettre à l’abri, au cas où, ou pour s’engouffrer à l’intérieur. Ce qui, à bien y réfléchir, est une décision bizarre. Si le bâtiment doit s’écrouler, vaut-il mieux être à l’intérieur ? Pas sûr…
Voilà ! Avant même d’avoir vu la moindre exposition, je suis déjà en plein questionnement ! Vraiment, l’art contemporain, c’est extra ! Et le New Museum est extra !
Comme prévu, les premiers étages me laissent perplexe. Dans des salles vastes et hautes, clairement conçues pour des installations, une exposition intitulée « Occupied Territory » aligne les dessins, peintures, photos et pièces de mobilier. Alors oui, l’espace est occupé, c’est certain, mais au bout d’une heure, je ne suis toujours pas sûre de ce que je regarde.
Salle de téléportation
Par contre, « Report on the Construction of a Spaceship Module » au 5e étage, projette le visiteur à l’intérieur d’un vaisseau spatial sorti tout droit d’un épisode de Star Trek. Des murs blancs, une ambiance très dépouillée, éclairée par une lumière blanchâtre venue de néons invisibles. J’ai l’impression que le Capitaine Kirk va surgir devant moi et me demander de me téléporter je ne sais pas où avec Monsieur Spock. D’ailleurs, voici la salle de téléportation : une petite pièce avec les murs recouverts de la peinture verte si spécifique des effets spéciaux. Je me balade à l’intérieur d’un film de science-fiction rétro. C’est amusant… 5 minutes. Puis, l’exposition, qui pourrait sembler légèrement farfelue de prime abord, distille un malaise qui va grandissant.
Sur les murs, des écrans diffusent en boucle des images de divers bâtiments datant de l’époque soviétique. L’époque dont il est question n’étant pas réputée pour sa grande fantaisie, le moindre immeuble a l’air d’une prison. Des blocs de béton gigantesques défilent sur des murs blancs, dans une ambiance aseptisée. C’est inquiétant.
Bien sûr, j’ai le dépliant pris à l’entrée qui donne toutes les informations nécessaires, mais je ne veux pas le lire. Je commence à faire le lien entre l’atmosphère clinique du vaisseau spatial et la critique de la déshumanisation entraînée par le régime soviétique. Et impossible de ne pas penser à la guerre froide et à la course aux étoiles qui y a fait rage.
Mais peut-être que non, après tout. Peut-être que je me raconte des histoires. C’est bien ce que je disais : l’art contemporain, c’est extra. On peut se raconter des histoires. Celles que l’on veut !
P.S. : J’ai lu le dépliant. C’est ça !