Imagine…

John Lennon aurait eu 70 ans cette année. Aux rééditions des albums et aux concerts géants, on peut préférer un autre type de commémoration...

Agnès chronique Holden
Agnès vous emmène dans les pas d'Holden, le héros de J.D Salinger.

Malgré une programmation impressionnante, j’ai fait l’impasse sur le concert-hommage à l’ex-Beatles au Beacon Theatre. A la place, assise sur un banc de Central Park West, je me laisse bercer par la musique s’échappant de mes écouteurs.
A quelques pas du Dakota Building, où John Lennon vécu et devant lequel il fut assassiné, le petit jardin de Strawberry Field a l’avantage d’être sobre. Yoko Ono, la veuve de Lennon, en a fait don à la ville de New York et a misé sur la simplicité : juste un tout petit coin, une rosace en mosaïque incrustée dans le sol, et cet unique mot : Imagine.
Par contre, malgré la simplicité et la relative discrétion, Strawberry Field n’est pas fait pour les adeptes de la solitude. Depuis une demi-heure que je suis là, ça n’arrête pas : un défilé ininterrompu de touristes, badauds, admirateurs ou simples curieux. Une manière de se rendre compte, 30 ans après sa disparition, que la popularité de John Lennon n’est pas prête de s’effondrer. Venus en groupe, les visiteurs allument respectueusement quelques bougies. Une jeune femme dépose une rose sous le mot « Imagine », tandis que d’autres disséminent des petits papiers le long de la mosaïque. Drôle d’ambiance, tout de même…

Guide « non-officiel » et photo-souvenir

L’atmosphère est silencieuse, recueillie. Même les déclencheurs des appareils photos ont l’air de se faire plus discrets, comme s’ils craignaient d’être importuns. Pourtant, tout se passe simplement. Rien à voir avec, par exemple, le culte qui entoure la tombe de Jim Morrisson, le leader des Doors, au Père Lachaise, à Paris. Ici, les gens passent, s’attardent un moment et poursuivent leur chemin. J’avoue : je serais curieuse de lire les mots déposés autour de la rosace, mais, même impromptue, la cérémonie commémorative est permanente et ça ne se fait pas de lire les messages personnels des gens à quelqu’un qu’il ont aimé…
Un homme a trouvé un moyen de gagner quelque sous : s’improviser guide « non-officiel » de Strawberry Field. Photo de Lennon plastifiée à l’appui, il raconte la vie de l’ancien Beatles à qui veut bien l’écouter. Et, comme il se plante quasiment au milieu de la rosace en parlant très fort, tout le monde est bien obligé de l’écouter !… Même ceux qui voulaient juste prendre une photo-souvenir… Je me demande si quelqu’un, dans l’assemblée, pense véritablement qu’il est un guide payé pour parler de Lennon, de New York et de Strawberry Field ?… Peu importe, après tout… L’homme connaît son sujet et, finalement, a fait sienne une des devises de cette ville : que puis-je faire pour vous aujourd’hui ?… Vous parler de John Lennon tandis que vous déposez une fleur ou un mot autour d’un monument érigé en sa mémoire ?… Let it be !

Le vent fait voltiger les messages

Soudain, un jeune homme arrive en vélo, une housse de guitare sur le dos. Debout devant la rosace, il ne tarde pas à entonner les premiers accords de « Strawberry Field Forever » ! Malgré le côté sentimental de la scène, la plupart des personnes présentes ont l’air ému. Quand arrive le refrain, quelques voix s’élèvent pour accompagner le jeune homme. Timidement d’abord, pas plus fortes qu’un murmure, comme si les gens n’osaient pas. Petit à petit, un véritable chœur se met en place. Une vingtaine d’inconnus reprennent doucement « Let me take you down, cause I’m going to Strawberry Field… »… Un coup de vent fait voltiger les messages déposés par les fans il n’y a pas dix minutes…
Dans mes écouteurs, Sean Lennon, achève son morceau. C’est lui que j’irai voir en concert la prochaine fois. Pour ses chansons formidables et son univers léger et mélancolique à la fois. Et puis, j’aime imaginer que c’est l’hommage que John Lennon aurait préféré : qu’on aille écouter le grand artiste que son fils est devenu.

Agnès Yobrégat

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